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Femmes en exil et VIH : une double vulnérabilité

27 novembre 2025 • ACTUALITÉS

Les femmes exilées subissent de multiples violences, dont l’impact du VIH, souvent invisibilisé, alors que les femmes représentent plus de la moitié des adultes vivant avec le VIH à l’échelle mondiale. En France, un tiers des nouveaux cas concerne des femmes, dont 63 % sont migrantes. 40 % d’entre elles ont été infectées après leur arrivée, ce qu’une prise en charge adaptée dès les premiers jours (hébergement, suivi médical), permettrait de limiter. Et les coupes budgétaires aggravent l’absence ou le retard d’accès aux soins. 

A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le VIH le 1er décembre, nous avons interrogé Nicolas Derche, directeur national santé communautaire du Groupe SOS et directeur de l’association Arcat, et Galatée Cosset-Desplanques, directrice de l’hôpital Jean Jaurès de l’association Groupe SOS Santé, sur les enjeux et perspectives du parcours de soin des femmes exilées.

Quel est le contexte actuel du VIH chez les femmes exilées ?

Nicolas Derche : Quarante ans après le début de l’épidémie, les femmes restent encore en marge de la lutte contre le VIH. Elles sont peu visibles dans les campagnes, peu prises en compte dans la recherche, alors qu’à l’échelle mondiale, elles représentent la moitié des personnes vivant avec le virus. En France, près d’un tiers des nouvelles découvertes de séropositivité concerne des femmes. Les études convergent : les parcours migratoires et les violences subies constituent des contextes à haut risque d’exposition aux infections sexuellement transmissibles, en particulier au VIH. Et les données illustrent bien que l’épidémie n’est pas qu’une question de comportements individuels, mais de conditions de vie. L’enquête ANRS-Parcours, menée par Annabelle Degréés du Loû, avait déjà montré en 2016 que 35 à 49 % des personnes originaires d’Afrique subsaharienne suivies pour le VIH en Île-de-France avaient été contaminées après leur arrivée en France. Autrement dit, c’est bien sur le territoire français que ces contaminations se produisent, souvent dans des conditions de grande précarité.

Qu’est-ce qui rend les femmes exilées particulièrement vulnérables au VIH ?

ND : Leur risque d’exposition est plus élevé pour plusieurs raisons. Sur le plan biologique, la transmission du VIH lors de rapports hétérosexuels est plus probable pour une femme que pour un homme cisgenre. Mais ce n’est pas qu’une question de physiologie : les inégalités économiques, la précarité sociale et administrative et les violences sexuelles viennent s’ajouter et fragilisent encore davantage leur santé. Et sur le terrain, on le voit tous les jours, l’accès aux soins reste difficile : barrière de la langue, peur du rejet, complexité administrative, crainte liée au statut migratoire… Autant d’obstacles qui retardent le dépistage, la prévention et les traitements.

Galatée Cosset-Desplanques : Les femmes vivant avec le VIH ont souvent traversé des parcours extrêmement difficiles et subi des violences : isolement et discrimination sociale, parcours migratoire constitué de ruptures, une santé sexuelle perturbée, viols et/ou mutilations sexuelles. En situation de précarité et parfois sans domicile, elles sont aussi victimes de la méconnaissance de l’existence des traitements actuels qui permettent une « charge virale du VIH » à zéro et donc de ne pas transmettre le virus à son partenaire ou son entourage. Sans traitement et adhésion thérapeutique, sans dépistage, la propagation du virus entraîne des stades graves de type « SIDA » avec des prises en charge hospitalières lourdes, en raison de séquelles neurologiques et fonctionnelles majeures.

ND : Oui alors que nous disposons aujourd’hui de tout un ensemble d’outils biomédicaux efficaces qui nous permettent d’envisager à terme l’éradication du VIH. Ces outils peuvent être combinés en articulant les dimensions biomédicales et comportementales : dépistage régulier, traitement antirétroviral précoce, prophylaxie pré-exposition (PrEP), traitement post-exposition (TPE), et usage du préservatif. Mais leur efficacité dépend à la fois d’un système de santé réellement accessible, capable d’atteindre et d’accueillir les personnes cumulant des facteurs de vulnérabilité et d’une société inclusive, la lutte contre la stigmatisation et les discriminations faisant pleinement partie de la réponse au VIH.

Comment les restrictions budgétaires affectent-elles votre travail ?

ND : Les dispositifs comme l’Aide médicale d’État (AME) permettent aux personnes exilées les plus précaires d’accéder aux soins. Pourtant, l’AME est régulièrement remise en cause, notamment dans le cadre du débat sur le PLFSS 2026. Ces attaques fragilisent les parcours de soins individuels et menacent la santé publique. Moins de dépistage, c’est plus de diagnostics tardifs, d’hospitalisations lourdes et de contaminations évitables. Sans l’AME, des milliers de personnes ne pourraient pas se soigner. Cela affaiblit aussi notre système de santé. La stratégie Test & Treat, essentielle dans la lutte contre le VIH, repose sur un accès rapide au dépistage et au traitement. Elle est impossible sans l’AME.

GCD : Réduire l’accès à l’AME et aux dispositifs de prévention est une hérésie. Cela aurait pour effet de favoriser la circulation du virus sur le territoire, sans distinction des origines mais aussi des frais d’hospitalisation supplémentaires à la charge de la collectivité in fine, des séjours hospitaliers plus longs et donc plus coûteux ; et même si certains ne comprenaient pas ces arguments de santé publique et de respect du serment d’Hippocrate, la disparition de l’AME ou son accès réduit par complications administratives, poserait aussi un problème de financement à de nombreux établissements de santé portés par des acteurs non lucratifs, alors qu’ils sont déjà en tension. Le financement actuel, basé sur l’activité et la durée moyenne de séjour, pénalise l’accueil des publics vulnérables, dont les besoins (accompagnement global, soins pluridisciplinaires) ne sont pas pris en compte.

Quelles initiatives permettent de renforcer le parcours de santé et l’inclusion ?

GCD : Le service SMR – Infectiologie de l’Hôpital Jean Jaurès (l’un des rares services de ce type en France), accueille sans condition. Il propose une prise en charge pluridisciplinaire : médicale, gynécologique, sociale, psychologique. Nous utilisons beaucoup la médiation par la culture, la médiation transculturelle ou encore la médiation en santé, qui sont autant d’outils essentiels pour la mise en oeuvre d’un projet thérapeutique individualisé. Notre service leur propose des actions de rééducation et de réhabilitation, les préparer à leur sortie de l’Hôpital avec les meilleures chances de ne plus avoir besoin d’y revenir et d’être autonome pour prendre son traitement. L’hospitalisation est l’occasion de tisser des liens avec des associations ressources qui interviennent dans le service pour se faire connaître auprès d’eux et qui restent des contacts après leur sortie.

En quoi les baisses de financement menacent l’accompagnement de ces femmes, et la santé publique ?

ND : Les associations de lutte contre le VIH sont en première ligne de la riposte contre le VIH/sida. Elles assurent le dépistage, la prévention, l’accompagnement et la défense des droits, au plus près des personnes les plus exposées. Leur approche communautaire et leur connaissance fine des réalités sociales permettent d’atteindre des publics prioritaires éloignés du système de santé.
Les baisses de financements publics, la précarisation des équipes et la multiplication d’appels à projets avec des financements annuels et non pérennes fragilisent leur action. Une tribune récente à l’initiative de Sidaction tire la sonnette d’alarme : sans les associations, nous perdrons le combat contre le sida.

Chaque année, des milliers de femmes fuient les violences, les conflits et les persécutions. Elles quittent tout dans l’espoir de trouver refuge, sécurité et dignité. Pourtant, leur parcours ne s’arrête pas à la frontière : il se poursuit à leur arrivée, dans un labyrinthe administratif, médical et social, où chaque étape exige un accompagnement spécialisé.

Le 21 novembre, le Groupe SOS et Stand Speak Rise Up ! ont organisé une journée d’échanges et de débats intitulée « Femmes en situation d’exil : De la violence à la résilience, accompagner l’après ». Des dizaines d’acteurs associatifs, expert.es et survivantes étaient réuni.es pour faire le bilan de la situation à l’international et en France, dénoncer l’impact des coupes budgétaires sur les dispositifs d’accompagnement, et mettre en lumière les femmes en exil et les solutions de terrain. A l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le Groupe SOS et Stand Speak Rise Up ! publient la 2e édition de leur livre blanc.

Découvrir le livre blanc

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